Je partage l’avis de Maxime Plamondon, conteur de la ville de Québec, qui affirme que le conte souffre quand même beaucoup, ici, au Québec (https://maximeplamondon.com/histoires/raconter-le-social/).
Toutefois, je n’irais pas jusqu’à dire que les conteurs eux-mêmes ont bien peu travaillé, depuis le renouveau des années 90, afin d’adapter leur art à la réalité contemporaine. En effet, je ne connais pas assez le travail de tous les conteurs du Québec; ce serait injuste de ma part de généraliser sur ce plan. J’essaie tout de même de me tenir à jour en assistant le plus régulièrement possible aux soirées de contes, telles Les Dimanches du conte, qui ont l’audace de programmer une pluralité de styles. J’essaie aussi d’être présente comme spectatrice lors des festivals de contes. Cela élargit toujours les perspectives. Et les rencontres sont toujours bienvenues. Je suis néanmoins particulièrement d’accord avec le fait que les conteurs actuels se complaisent à entretenir les chicanes de clocher, notamment sur la définition de ce qu’est le conte. Entre eux, les conteurs se font mal. Ce que lui fait, dit untel, n’est pas du conte. Ce que l’autre fait, dit l’autre, n’est pas du conte. En 2016, le conte ne peut plus englober que le conte traditionnel. Le conte traditionnel reste une source inépuisable d’inspiration, mais les horizons du conte se sont élargis, et c’est tant mieux. Vive la liberté! Côté forme, il est possible d’intégrer du multimédia, de la danse, du théâtre d’objets (clin d’œil à Françoise Crête avec son touchant spectacle Esther, oie sauvage), du chant, de l’humour, une mise en scène élaborée avec effets sonores, du mime… Pourvu que tout ça rende service à l’histoire et que l’histoire elle-même ait été pensée avec la tête, le cœur et tout le corps, je dirais. Côté fond, je le répète, l’histoire doit avoir été pensée, travaillée et retravaillée, peaufinée avec la tête (message à caractère social, valeurs), le cœur (symbolique, nuances, émotions) et le corps (présentation). Comme Maxime Plamondon, je cherche à m’inspirer de ce que je vois, entends, vis, dans la réalité d’aujourd’hui, afin de créer et, je l’espère, de contribuer à l’avancement collectif. Mon engagement d’artiste porte essentiellement sur l’exploration des relations hommes-femmes, des problématiques encore tabous (violence, abus, maladie mentale, suicide, etc.), avec un intérêt marqué pour les Premières Nations et leurs légendes. Est-ce que je propose des solutions? Je suggère plutôt des pistes sans rien imposer. En créant de nouveaux modèles, j’aspire – sûrement avec naïveté mais surtout espoir – à ajouter quelques pierres au chemin d’aujourd’hui. C’est en cela que mon regard reste neuf. Et je suis loin de m’isoler comme artiste. Je tente de créer des ponts avec d’autres conteurs (par des duos ponctuels ou récurrents, par des rencontres, comme spectatrice de leurs spectacles, en recourant à leur expertise, etc.), avec une anthropologue, avec des groupes de femmes… Je veux m’imprégner de ces rencontres, tout en gardant une reconnaissance pour l’héritage du passé. Je ne renierai pas la tradition et j’aime bien entendre, de temps en temps, quelques histoires du temps des grands-parents ou même d’avant. Ça me fait prendre conscience que certains comportements humains n’ont malheureusement pas encore évolué et qu’ils doivent changer… Pour aller plus loin comme artiste, je veux m’inspirer des grands récits portés par les voix de Stéphanie Bénéteau ou de Nadine Walsh, qui ont leur place et doivent être entendus. Je veux également être portée par les histoires contemporaines d’Éric Gauthier ou de Maxime Plamondon, qui ont également leur place. En ce qui concerne les difficultés du milieu du conte, plusieurs ont été énumérées avec justesse par Maxime. Oui, il manque de diffusion des activités. Parfois les salles sont plus vides que remplies (même si on essaie de se consoler en disant ce n’est pas la quantité mais la qualité qui compte). Oui, le conte en général est encore méconnu. Il faut initier le public à cet art, lui montrer qu’il n’existe pas que pour endormir les enfants mais qu’il sert aussi à réveiller les adultes (une maxime qui circule dans notre milieu et dont j’ignore qui en est l’auteur). Il s’agit de beaux défis pour le milieu, et lorsqu’à la fin d’une prestation, une personne du public vient nous voir avec les yeux remplis d’étoiles et nous dit qu’elle vient de découvrir le conte, la gratification reçue demeure inestimable. Mais le principal problème dans le milieu reste le manque de préparation de certains conteurs ou de sérieux dans l’engagement envers leur art. Loin d’être des vacances, conter demeure un investissement total de la part de l’artiste. Pour avoir assisté à de nombreux spectacles et prestations, je peux aujourd’hui affirmer que la magie n’a pas toujours opérée. J’ai souvent décroché comme public, me suis ennuyée royalement. Je suis déjà partie lors d’entractes : honte à moi. Et souvent, j’ai eu honte : honte du contenu et honte du contenant. Honte du contenu. J’ai été parfois scandalisée de certains propos, provenant de contes anciens qui n’avaient pas été adaptés à notre époque et qui prônaient encore des valeurs franchement sexistes, ou même racistes. Sans parler des contes de création qui montraient la laideur humaine, uniquement elle, et qui laissaient les spectateurs repartir avec un profond dégoût de la vie. Est-ce bien cela qu’on veut transmettre aujourd’hui comme message? Si oui, il ne faut pas s’étonner que le public ne revienne plus aux prestations suivantes et qu’il boycotte tous les conteurs. En même temps, il est possible de présenter un travail en cours avec honnêteté et respect du public, mais il faut aviser les auditeurs de cette étape de notre parcours. Toutefois, même si on raconte ses propres histoires en chantier, je pense qu’il est primordial de faire appel à des experts en écriture, des regards avisés qui donnent l’heure juste (sans compromis) sur nos productions, avant d’oser les présenter en spectacle. Sinon, on risque de faire mal au milieu du conte. Honte du contenant. Je considère que le conte fait partie des arts de la scène. Il faut connaître certaines bases scéniques pour mieux jouer, pour mieux faire voir au public, pour le faire rêver. On peut s’opposer à ces bases bien sûr, mais seulement après y avoir été initiés. J’ai donc été gênée du manque de préparation côté présentation de l’histoire. Les tics pouvaient distraire du message (se racler la gorge, jouer avec sa monnaie, danser le tchatcha – un pas en avant, un pas en arrière). L’histoire ne se rendait pas à moi : une petite voix (il a fallu que je travaille moi-même très fort sur ce plan); une mauvaise diction; une énergie trop brute, sans nuances, comme si le conteur voulait agresser le public; ou un rythme si lent qu’il favorisait l’endormissement et les ronflements du public. J’ai eu honte de la manière de s’exprimer de certains. Ce n’est pas parce que le conte est un art de l’oralité qu’on doit absolument écorcher le français. En tout cas, j’ai mal à ma langue (et à mes oreilles) lorsqu’on ne porte plus attention, lors d’une prestation, à la beauté du français… J’ai eu honte aussi des introductions parfois douteuses de certains animateurs. Ce n’est pas le moment d’improviser. Là aussi, pour bien présenter un artiste ou réchauffer la scène, comme on dit, il faut avoir réfléchi. J’ai eu honte de l’habillement tout croche de certains conteurs : pas coiffés, vêtements de sport ou déchirés, jupe trop courte qui laissait voir les sous-vêtements, maquillage grotesque… Et j’en passe. Là, on pourrait dire que je suis superficielle. Mon arrière-grand-mère disait que la coquetterie est un cadeau que tu fais aux autres, mais surtout à toi-même. À la maison, je suis la première à rester longtemps en pyjama, sans être peignée. Et je ne me maquille presque jamais… Toutefois, pour moi, un conteur reste un artiste de la représentation. A-t-on vraiment envie de voir en spectacle l’humain au naturel, comme s’il sortait d’un travail de jardinage ou d’une soirée dans un bar? Ou a-t-on envie de voyager, de rêver, d’être ébloui? De toute manière, si l’habillement distrait du contenu, on passe à côté de l’essence du conte. Avec plus de préparation, de travail acharné, d’engagement réel des artistes-conteurs que nous sommes, je pense qu’on pourra accéder à la reconnaissance du public, et parvenir à transmettre notre passion. Bien entendu, il faudra faire preuve d’autocritique et de désir de remédier à nos lacunes. Mettre l’égo de côté, réfléchir sur notre démarche et le contenu des histoires qu’on désire raconter, s’inscrire aux formations continues, créer des ponts avec d’autres conteurs, et surtout, demeurer ouvert à la pluralité des chemins que le conte peut prendre en 2016. En aura-t-on le courage?
2 Commentaires
Lors de la tournée en mars 2016 sur la Côte-Nord, j'ai eu le privilège d'être interrogée par le journaliste Éric Martin pour son émission «Courant d'art».
Voici le reportage télévisuel (blob:https%3A//www.facebook.com/878a9ba1-e7bb-4ba8-8904-165d8b00195c). «La Fleuve». Non, il ne s'agit pas d'une erreur orthographique. J'ai choisi en toute conscience de féminiser le mot «fleuve», pour raconter l'origine imaginaire de la colonne vertébrale du Québec : le fleuve Saint-Laurent. Après tout, on dit bien «la mer», «la rivière», «la pluie», «la chute»... L'eau est un élément féminin à ce qu'il paraît.
Avec «La Fleuve», les spectateurs suivent le parcours d'une jeune femme qui rêve de voir la mer, alors qu'elle est destinée à s'établir pour le reste de ses jours près du Lac Rond. Il s'agit d'un conte complexe, avec quatre contes «tiroirs» à l'intérieur du récit plus vaste de Laga, la jeune femme en question. Les couches de signification sont nombreuses, et c'est volontaire. En l'écrivant, je désirais que les auditeurs se laissent porter par les images et par la richesse des mots, qu'ils ne saisissent pas tout du premier coup... Que les personnages féminins les imprègnent et les accompagnent lors de leur retour dans leur quotidien. Je voulais que ce spectacle soit exigeant pour qu'il laisse sa marque dans le cœur du public. Que les hommes et les femmes aient envie de l'entendre à nouveau pour y déceler d'autres sens. Après avoir vu une spectatrice pleurer, d'autres rires, d'autres fredonner avec moi la chanson «Isabeau s'y promène» (qui revient comme un leitmotiv), je suis ravie des effets de cette histoire plus grande que moi. Une histoire qui commence au tout début avec des personnages inspirés des Premières Nations, qui parle des Filles du Roy, de la Seconde Guerre Mondiale, et d'un avenir dans un univers parallèle au nôtre... Depuis 2014, j'ai eu le privilège de partager ce spectacle plus d'une vingtaine de fois. Je souhaite que «La Fleuve» m'accompagne toute ma vie de conteuse, et qu'elle continue de toucher l'âme des gens, de manière indélébile. Je remercie encore tous ceux qui m'ont accompagnée et continuent de le faire dans ce projet : à l'écriture : Éric Gauthier et Stéphanie Bénéteau; à la mise en scène, Jérome Bérubé; ma famille, mes amis, les diffuseurs et bien sûr, le public. Prochaine prestation : ce dimanche 20 mars 2016, à 20 h, à L'Ouvre-Boîte culturel de Baie-Comeau Encore cette année, je fais partie de l'organisation de la seule marche du conte au Québec, appelée «La Grande Virée des Semeurs de contes». Un super projet.
Et pour cette troisième édition, je marcherai cette fois, de Rivière-du-Loup à Mont-Joli, 138 km en neuf jours, avec les sept autres Semeurs de contes de la cuvée 2015 : Jérome Bérubé, Françoise Crête, Murielle Larochelle, Mafane, André Morin, Daniel Projean et Yves Robitaille. À chaque étape, nous offrirons une soirée différente de contes. Et chaque soir, après chaque spectacle, j'alimenterai le blogue des Semeurs (https://lessemeursdecontes.wordpress.com/). J'invite tous mes «fans», amis et famille, à s'abonner également à ce blogue. Il s'agit d'une riche expérience sportive, artistique et humaine, à tous points de vue. Je la vois aussi comme un laboratoire de contes, où on apprend à s'approprier divers lieux et à s'adapter à divers publics. Après chaque Grande Virée, la première étant en 2013 (de Montréal à Québec : 300 km) et la deuxième en 2014 (de Québec à Rivière-du-Loup : 200 km), je me suis sentie évoluer... J'espère encore fait un bond sur le chemin du conte, pour aller plus loin... Défi artistique - jour 1!
Pendant cinq jours, je dois rédiger un statut FB qui parle de ma démarche artistique et inviter deux ami(e)s à faire de même. Nommée par Mafane Aurore Alessandra (elle-même nommée par Stéphanie Bénéteau), je nomme aujourd'hui Marie Lupien-Durocher Conteuse et Cie Séléné - Catherine Gaillard. J'ai suivi un premier atelier de conte en 2011 avec Catherine. Je me souviens très bien qu'elle avait dit qu'il fallait penser au message transmis en racontant des histoires. On a tout à fait le droit de transformer un conte dont la morale ne nous plaît plus ou ne convient plus à notre société... Par exemple, le prince peut choisir d'épouser Rose Rouge, qui préfère courir dans les champs, au lieu de sa sœur, Neige Blanche, très sage et très obéissante à sa mère... Bref, on a le droit de présenter de nouveaux modèles... Défi artistique - jour 2 Pendant cinq jours, je dois rédiger un statut FB qui parle de ma démarche artistique et inviter deux ami(e)s à faire de même. Nommée par Mafane Aurore Alessandra (elle-même nommée par Stéphanie Bénéteau), je nomme aujourd'hui Eric Gauthier et Nicolas Rochette. Après mon premier atelier de conte à l'oral avec Catherine Gaillard, j'ai couru les cercles de conteurs, me suis inscrite à presque tous les ateliers de conte dont j'entendais parler, surtout au Québec. J'ai connu Cantine Motivée, qui n'existe plus aujourd'hui, à mon grand regret. Merci à Céline Jantet et Nicolas Rochette, les fondateurs. Durant mon cheminement de conteuse, je me suis rendue à Ottawa pour participer à l'atelier d’écriture «Chantier de la parole», avec Éric Gauthier. Je me testais... Au fond, je voulais savoir si je serais capable d'écrire une histoire. J'avais la manie d'inventer plein d'histoires (parfois 40-50 pages), que je ne terminais jamais. Elles finissaient toutes déchiquetées, dans des bacs de recyclage. Heureusement, à Ottawa, j'ai trouvé le formateur allumé, et ses interventions, justes. J'ai compris qu'il fallait que je plonge dans cette voie, sans savoir où ça me mènerait, sans connaître la fin... en espérant ne pas finir moi-même déchiquetée, dans un bac de recyclage. :-) Défi artistique - jour 3 Pendant cinq jours, je dois rédiger un statut FB qui parle de ma démarche artistique et inviter deux ami(e)s à faire de même. Nommée par Mafane Aurore Alessandra (elle-même nommée par Stéphanie Bénéteau), je nomme aujourd'hui Christine Andrien et Karo Lego. C'est évident qu'il faut avoir des modèles de conteurs ou conteuses. Ça donne une direction à notre pratique. J'ai eu le privilège de suivre deux ateliers avec Christine Andrien (formidable formatrice!) et d'assister à son très touchant spectacle «Les silences de mon père». Entre autres, j'ai été impressionnée par ses silences. Ça peut paraître paradoxal, mais un conteur qui parle sans arrêt, sans laisser respirer le public, c'est assommant. Les silences de Christine, ces moments où elle croise avec émotion le regard des spectateurs, créent une grande proximité. On partage avec elle ce qu'elle vit... Au début de ma pratique, je trouvais difficile de soutenir cette attention. Peut-être que c'était lié à l'impression qu'on pouvait lire à travers moi... En tout cas, j'avais tendance à baisser les yeux. Et puis, petit à petit, c'est venu : le désir de créer une connivence avec la salle. Ça vient avec la confiance aussi. Le public veut entendre des histoires. Il est avec nous sur le même bateau! Une phrase m'a réconciliée avec les moments où je rencontre quelques petits écueils : « Le conte est l'art de l'imperfection ». Cela n'exclut pas de viser l'excellence, mais permet de garder en tête que même un conteur reste humain. Personne ne m'a lancé de tomates jusqu'ici. Ce doit être bon signe. Ou alors, c'était pas la saison... Défi artistique - jour 4 (il faut tenir) Pendant cinq jours, je dois rédiger un statut FB qui parle de ma démarche artistique et inviter deux ami(e)s à faire de même. Nommée par Mafane Aurore Alessandra (elle-même nommée par Stéphanie Bénéteau), je nomme aujourd'hui Christine Pageault et Jérome Bérubé. Les deux premières années de ma pratique, j'étais une mordue d'ateliers de contes. Et j'y crois toujours autant. Je pense que ce sont des occasions - trop rares - de sortir de notre zone de confort, de découvrir d'autres techniques et de mettre de côté celles qui ne nous conviennent absolument pas. On m'a vue morte de peur, transpirer, pleurer, me mettre en colère, briser mes propres barrières, sourire (j'espère bien!)... À chaque nouvel atelier, je souhaite rencontrer d'autres passionnés et aussi retrouver d'anciens compagnons aux styles différents. C'est tellement stimulant de côtoyer des conteurs plus avancés, et très touchant, d'en voir d'autres éclore... Vivement le prochain atelier à Val-d'Or! Défi artistique - jour 5 (le dernier) Pendant cinq jours, je dois rédiger un statut FB qui parle de ma démarche artistique et inviter deux ami(e)s à faire de même. Nommée par Mafane Aurore Alessandra (elle-même nommée par Stéphanie Bénéteau), je nomme aujourd'hui Nicolas Landry et Yolaine Conteuse. Un peu plus haut, un peu plus loin, je veux aller encore plus loin... émoticône smile C'est la chanson que j'ai souvent dans la tête. Voici un résumé de mon cheminement : « J'aime les contes ». « J'aime vraiment les contes ». « Woaw. Être conteur, ça doit tellement être un beau métier. » « J'aimerais bien apprendre à conter. » « Ok, je m'inscris à un atelier. » « Quoi, c'est déjà à mon tour de passer? Qu'est-ce que je fais ici? Je me veux sauver. Maman! » « Bon, ben, c'était pas si pire. Il y a ça et ça et ça à améliorer. » « C'est quand le prochain atelier? » « Je veux assister à un cercle de conteurs. » « Je veux assister à tous les cercles de conteurs... » « Qu'est-ce que je vais bien pouvoir conter? » « Quoi, on m'invite à participer à un spectacle de contes? Vraiment? » « J'ai peur. » « J'y vais. » « C'est quand le prochain? » « Je veux écrire mes histoires. Je commence par où? Est-ce que c'est bon? Il me faut vraiment un coach en écriture. » « Yé, j'ai du bon matériel! » « En 2013 : marcher Montréal-Québec en 14 jours et conter tous les soirs? Oui! Organiser la marche avec Les Semeurs de contes? Euh... ok. » « Woaw. Le Regroupement du conte au Québec existe! » « Quoi, on me demande de faire partie du CA du RCQ? Euh... en 2014, j'accepte! » « Est-ce qu'il existe une école du conte? » « En 2014, participer à la fondation de l'OSBL Les Semeurs de contes? Ok. Comme secrétaire? Et ben, c'est encore dans mes cordes... Organiser une autre «Grande Virée» Québec-Rivière-du-Loup, ben oui. Pis une autre encore en 2015? Ok. Nous marcherons Rivière-du-Loup à Mont-Joli, yé! Et dans le futur, marcher tout le Québec? Oui, oui, oui. C'est pour moi. Atteindre les Îles-de-la-Madeleine en marchant sur l'eau? Tout à fait pour moi. » « En parallèle, fonder ma propre entreprise... j'y pense. Je le fais! » « Lâcher mon emploi pour vivre du conte. Euh... Ok! » « Il me faut vraiment un coach en mise en scène. » « J'ai trouvé le coach. Yé! Ça clique. Yé! » « Commencer les répétitions / comment c'est? : joie, bof, rires, j'ai la mémoire qui flanche, j'me souviens plus très bien... ah oui, ça revient... Nouvel essai : j'suis poche... Ah oui? c'était bon? gêne. On reprend : 100 fois sur le métier... » « Premier spectacle de contes de création prêt : La Fleuve. » « Une douzaine de prestations de la Fleuve plus tard, c'est quand la prochaine? » « Et au suivant! » Un peu plus haut, un peu plus loin, je veux aller encore plus loin... Depuis le début de janvier, j'ai avancé...
Côté «entreprise»
Côté «conte»
Plein d'autres moments de joie sont à venir. Merci la vie des sentiers surprenants où tu m'emmènes... Après la performance mercredi au Théâtre Belcourt, j'ai conté «La Fleuve» jeudi au Centre des arts populaires de Nicolet, et vendredi à la Maison Thibault-Soulard. Encore pour ces deux soirées, il y avait un public intimiste mais de qualité et une ambiance propice au conte.
Au Centre des arts populaires, afin de créer l'effet d'une petite salle, les chaises avaient été placées sur la scène, et les rideaux, tirés par Bernard Brochu, directeur général très dévoué. Nous étions en quelque sorte enfermés entre quatre murs de tissus noirs. Avant la prestation, un souvenir a traversé mon esprit : quand j'étais petite, je créais souvent avec des couvertures une petite tente sous l'entrée de la maison. Ma voisine venait m'y retrouver et nous nous inventions des histoires. Justement, je crois que les personnes ont ressenti ce nid chaleureux, et la magie est venue. Pour moi, le spot de lumière blanche devenait la lune; les rideaux noirs, la forêt tout autour qui empêche de voir l'horizon; la mini scène, le pallier de la montagne sur lequel Alexis se réveillait dans le conte-tiroir «Le Palace». Après, il y a eu un bel échange avec le public. C'est une formule à privilégier : rester après la prestation et prendre le temps de répondre aux questions sur le conte, le chemin qui m'y a amenée, le processus de création de mon spectacle. J'étais prête à recevoir les commentaires aussi du public, ce qu'il avait perçu, compris, ressenti. J'assume ma création, mais les rétroactions me nourrissent et m'aident à avancer. À la Maison Thibault-Soulard, la salle avec ses murs et planchers de bois était magnifique. Et l'accueil de Caroline Arpin, agente de développement culturel à Saint-Augustin-de-Desmaures, très sympathique. En plus, dans cette salle, il y avait une exposition de peintures. Là aussi, le public est resté assis après la performance. Je trouve vraiment touchant de voir que les gens veulent profiter au maximum de cet arrêt dans le tourbillon de leur vie que crée le conte. Plusieurs en étaient à leur premier spectacle de contes. Je pense bien que ce ne sera pas leur dernier. Mission accomplie, comme on dit. :-) Vivement d'autres soirées aussi riches. Ça donne des ailes. Hier au Théâtre Belcourt était une soirée de contes mémorable pour moi, comme conteuse émergente.
J'étais surprise et très touchée de voir que le public restait assis après ma prestation. Personne ne semble pressé de repartir, en dépit des 80 minutes à écouter mes histoires. Comme si la magie de «La Fleuve» avait fait son effet. Je m'interroge actuellement sur la nécessité d'inclure un entracte ou non à ce spectacle. Cela dépend du contexte et des demandes du diffuseur. Il faut que les chaises soient confortables. Certaines personnes me disent qu'elles n'ont pas vu le temps passer; d'autres, qu'un entracte permettrait à la fois de se dégourdir les jambes, d'aérer leur esprit, afin de mieux écouter par la suite. Lise Lapointe, directrice générale au Théâtre Belcourt, me dit qu'un spectacle sans entracte est sans doute une solution plus facile pour les artistes. Car le défi est de faire revivre la même atmosphère au public, de lui partager la même énergie, surtout lorsque la même trame narrative se poursuit après cette pause. Si le récit présente une architecture complexe, comme celle de «La Fleuve» où des récits-tiroirs sont intégrés au récit-cadre, comment récupérer l'attention du public, l'aider à se rappeler de tout ce qui est arrivé avant pour poursuivre l'aventure après? Par ailleurs, après cette prestation, j'ai pu partager un peu de mon expérience de conteuse. J'ai remercié ceux qui m'ont aidée à faire naître ce spectacle et à le rendre vivant, tels les conteurs Éric Gauthier et Stéphanie Bénéteau, à l'écriture; et Jérome Bérubé, aux répétitions et à la mise en scène. J'en ai profité aussi pour parler des Semeurs de contes, notre groupe de conteurs-marcheurs qui a déjà passé en 2013 au Théâtre Belcourt, et permis de créer ce lien privilégié avec les extraordinaires et passionnés Lise Lapointe et Mario Courchesne, directeur artistique. J'essaie, à ma manière et lors de chaque prestation, de semer un peu de cet amour des histoires, de ce goût d'être ensemble, alors qu'il y a tellement d'autres distractions possibles le soir. C'est tellement plus confortable de rester assis chez soi, que de prendre le risque d'une sortie culturelle. Et encore plus risqué si c'est la première fois qu'on assiste à un spectacle de contes. Je prends au sérieux ce devoir de ne pas ennuyer mon public. Je veux le faire voyager, l'émouvoir, le ramener loin en arrière dans le temps, ou ailleurs, dans une autre dimension, tout en étant consciente de ce qui se passe, ici et maintenant, lors d'une performance. Par exemple, quand je contais «La femme-oiseau», un des récits-tiroirs à l'intérieur de «La Fleuve», j'ai remarqué les véritables sculptures d'oiseaux accrochées au plafond de la salle du Théâtre Belcourt. Mes oiseaux étaient là! Incroyable! J'ai failli m'envoler avec eux et perdre le fil de l'histoire tellement cette concordance du décor avec le récit était inouïe. :-) Je rêve déjà d'y retourner... Un jour, un jour. Voici une nouvelle année dans mon parcours de conteuse. Yé!
Mes démarches entrepreneuriales semblent porter fruit. Plusieurs contrats m'attendent en 2015, et j'en suis bien heureuse. J'ai beaucoup de pain sur la planche. Je continue de chercher du nouveau répertoire. Je dévore les livres de légendes des Premières Nations. Deux spectacles seront présentés à plusieurs reprises, un peu partout au Québec : «Femmes des bois» et «Légendes des Premières Nations». Je peaufine également les «Contes de la nature», pour célébrer l'arrivée du printemps. De nombreuses demandes de bourses ou subventions doivent être remplies... Pour une troisième année consécutive, je m'impliquerai auprès des Semeurs de contes, à titre de coorganisatrice et de conteuse. Et comme les défis me stimulent, depuis décembre 2014, je suis officiellement secrétaire du Regroupement du conte au Québec, pour un mandat de deux ans. Lors de la dernière virée des Semeurs de contes, en septembre dernier, j'ai eu le privilège de mieux connaître Jérôme Bérubé, un conteur qui a aussi des compétences en mise en scène. Comme il a déménagé à Montréal, il sera mon coach pour mes futurs spectacles. Cela me permettra de faire de grands pas sur le chemin des contes. Je crois fermement qu'il faut recevoir des rétroactions par rapport à notre art, tant au niveau de l'écriture qu'au niveau de la mise en scène des contes ou d'un spectacle entier. Pour l'écriture, je reste fidèle à mes coachs aux compétences complémentaires : Éric Gauthier et Stéphanie Bénéteau. D'ailleurs, j'aspire à poursuivre l'écriture de mon second spectacle de contes de création. Avec tous mes projets, celui-ci me prendra du temps et de la ténacité, mais je garde confiance. Toujours grâce aux Semeurs de contes, j'ai eu le plaisir de retrouver une belle complicité avec Françoise Crête. Nous avons conçu le spectacle «Contes enneigés», et nous désirons le diffuser durant tout l'hiver. Nous avons d'ailleurs reçu un très bel accueil à la Ville de Prévost. La grande Françoise et la petite Geneviève que je suis se sont bien amusées à conter et à chanter ensemble! Attachez votre tuque, nous continuerons de vous épater! Un autre rêve s'accomplira à l'été 2015, j'irai en août aux Îles-de-la-Madeleine en compagnie de ma mère et d'une de ses amies. Je cherche d'ailleurs des lieux où conter. J'aimerais beaucoup y présenter «La Fleuve»... Avis aux intéressés... Sur ce, bonne année 2015! Que ce soit pour vous une année remplie de beaux projets et de belles découvertes! Pour une seconde année, j'ai vécu avec d'autres Semeurs de contes, La Grande Virée, une marche de 200 km environ, entre Québec et Rivière-du-Loup.
Heureusement que Jean-Sébastien était là pour agir à titre de blogueur, comparé à l'an passé où je m'étais proposée (voir également son blogue personnel : http://tenirconte.com/2014/10/grande-viree-2014-la-recolte-de-mes-semailles/). Je suis partie fatiguée pour des raisons personnelles, et je l'ai senti tout le long du chemin. En raison de ce manque d'énergie, je n'ai malheureusement pas autant goûté aux joies qui se présentaient chaque jour, qu'à l'édition précédente. Cependant, j'estime que cette expérience m'a beaucoup appris, sur mes limites (je ne suis pas infaillible) et mon désir de dépassement sans cesse grandissant. Jean-Sébastien me qualifie de fleur fragile et pourtant si tenace. Cette lecture est assez juste. Comment conjuguer cette dualité? Notamment par le rire et les moments où on retrouve notre enfant intérieur. Merci à Shakti Ortega Saint-Amant, notre conteuse soleil ou belle outarde, qui avec sa folie contagieuse m'a libérée de bien des tensions. J'ai vécu avec elle (et Jérôme Bérubé, une autre belle âme) ma première excursion dans un champ de maïs. Du bonheur! J'ai connu le plaisir de répandre sur les routes des grains de quenouille. Si les Québécois découvrent une explosion de quenouilles l'an prochain, ce sera notre faute à tous les trois, avec la complicité d'Yves Robitaille. Et il y a eu aussi de belles discussions avec la belle Carine Kasparian (c'est impossible de ne pas l'aimer; comme conteuse et comme être humain) et la grande Françoise Crête (au sens de grande dame, inspirante et formidable conteuse; quand je serai grande, je veux devenir comme elle!). Il y a aussi eu la présence réconfortante, discrète et sensible de Michel Vaïs, notre accompagnateur en auto. Rendons également à César ce qui appartient à César; je rappelle que tout ce beau projet vient d'André Morin (loup-garou diurne, selon les termes de Jean-Sébastien). Merci infiniment à toute cette équipe! Quant au public, il était si généreux par son écoute et son enthousiasme vis-à-vis notre projet. Même lorsque je ressentais une fatigue écrasante, j'avais envie de donner le meilleur, pour remercier ce beau monde de s'être déplacé, de prendre du temps dans un horaire si chargé afin de recueillir nos histoires. Une dame m'a dit que je réussirais dans ce métier grâce à mon écriture - j'invente une bonne partie de mon répertoire. Peut-on recevoir un plus bel encouragement comme conteuse? J'en suis encore toute émue. Merci à la vie! Et la route continue. Après 200 km, il faut revenir chez soi et à soi-même. Redescendre sur terre, c'est-à-dire sortir de cette bulle hors du temps, et réfléchir encore. Où aller? Comment? Jusqu'où? Pourquoi? Je n'ai pas toutes les réponses. Je suis sur une route semée de défis. Je me teste, je tombe et me blesse... mais je me redresse, avec une nouvelle force combative. J'aimerais suivre d'autres formations avec d'autres conteurs. Malheureusement, Cantine Motivée n'existe plus. Et le Regroupement du conte au Québec ne peut satisfaire ma soif intarissable d'apprendre à un rythme effréné. Nadine Walsh, conteuse expérimentée et talentueuse, m'a dit un jour qu'il fallait laisser le temps à la rivière de polir le caillou. À 33 ans (et trois ans à titre de conteuse), je suis encore plus impatiente qu'avant. Je veux apprendre vite et bien. Espérons que je prendrai un brin de sagesse avec le temps... Pour combler cette soif, je sortirai un peu du conte, notamment en suivant des cours d'improvisation en danse avec Nicole Laudouar (objectifs personnels : mieux habiter mon corps et faire renaître l'enfant intérieur), je poursuivrai les longues marches à Montréal (en vue de la troisième édition de La Grande Virée), j'assisterai à de nombreuses soirées de contes, dont les fameux Dimanches du conte au Gainzbar (pour mieux saisir toutes les facettes de cet art en mouvement), je débuterai l'écriture d'un second spectacle (les idées fusent; à suivre), je me préparerai avec assiduité pour toutes les futures prestations... Vous pourrez me suivre comme conteuse grâce à mon horaire que j'afficherai sur mon site, à ma page professionnelle Facebook, à ce blogue... La route - parfois solitaire, avec des chemins qui se croisent ou s'éloignent - sera belle. C'est une promesse que je me fais. Prochaine prestation de contes Spectacle solo : La Fleuve, dans le cadre du Bal des ménestrels Samedi 4 octobre, à 15 h Chez Carine Kasparian (7184, avenue de Lorimier, Montréal; près du métro Fabre) Contribution suggérée : 10 $ |
Geneviève FalaiseArtiste de la parole Archives
Décembre 2018
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